Jeune femme issue de la campagne, Céleste Albaret a pour mari le chauffeur de Marcel Proust. L'occasion lui est donnée de travailler aux côtés du grand homme de lettres qui ne prend pas ombrage de son inexpérience. Sa candeur plaît à l'auteur mais c'est surtout sa discrétion et son empathie pour lui qui façonnent son attachement à elle. Elle répond à ses demandes singulières liées à sa santé délicate avec un empressement qui confine au bon cœur. C'est par le truchement de cette femme qui fut bien plus qu'une domestique que le lecteur entre dans l'intimité de cet homme de plume. On l'accompagne dans ses sorties mondaines, on le fréquente dans le confort de sa chambre, les phrases de sa grande œuvre s'enroulent autour des rideaux, le compliment ou la critique sortent de sa bouche comme autant de volutes sculptant l'air. Tous les présupposés négatifs vis-à-vis de l’œuvre de Marcel Proust tombent un à un à la lecture de cet album à porter au pinacle.

Auteur : Chloé Cruchaudet

Revenue d'une période trouble où, adolescente, elle était à imaginer qu'elle était en contact avec des extraterrestres, l'auteur raconte une époque, celle des années 80, où l'intérêt pour les ovni, les mystères tels que le triangle des Bermudes, imprégnait la société toute entière, qu'il était devenu un enjeu commercial au point que bien des personnalités influentes s'en sont emparé, que de nombreux films ont été réalisés  et que pléthore de maisons d'édition ont développé des collections sur l'ufologie et ses dérivés. Le récit autobiographique et émouvant de Sandrine Kerion explique dans quel contexte la gamine qu'elle était, marginalisée par ses camarades de classe et prise en otages dans les conflits entre ses deux parents un peu illuminés, a pu trouver dans cette foi naïve dans des êtres supérieurs une échappatoire à ses angoisses et problèmes existentiels. Elle détaille avec précision la mécanique qui l'ont conduite dans l'autosuggestion et qui aurait pu l'amener dans des mouvements sectaires. Elle en était à la limite, en a conscience et témoigne de sa réussite à sortir de la spirale des intoxications mentales. A l'heure où fleurissent les infox et les conspirationnismes, son expérience fait figure d'expertise et à une valeur inestimable.

Auteur : Sandrine Kerion

Chloé Cruchaudet dresse des portraits d'anonymes qui irradient autour d'eux une lumière singulière et qui infusent par leur présence, leur être ou leurs comportements un certain bonheur de vivre. Il en est ainsi de l'éboueur qui chante et chorégraphie chaque matin le rituel du ramassage des ordures, du jeune réfugié qui dans une ultime épreuve dans son odyssée terrible doit faire face à l'administration française, du petit garçon renfermé sur lui-même pris sous l'aile d'une bande d'adolescents bienveillants, l'équipe d'infirmières qui prend en charge les prématurés et épaulent les parents dans le désarroi,... Cette galerie de portraits donne une idée de la beauté, loin des canons de l'esthétique, et instille du baume au coeur à qui désespère du monde. Les portraits dessinés s'inspirent de textes reproduits en fin d'album, il arrive que les premiers valent mieux que les seconds mais parfois c'est l'inverse quand ils ne se subliment pas l'un l'autre !

Auteur : Chloé Cruchaudet

A la fin du XVIIIème siècle, un colporteur propose parmi sa marchandise un recueil de contes qui va susciter - à son grand étonnement ! -  une très vive curiosité de la part des habitants du petit village de Bodenwerder... et pour cause puisque l'ouvrage relate les aventures d'un certain baron de Münchhausen qui n'est autre que le seigneur de ces lieux. L'occasion semble toute trouvée pour faire revenir le baron à l'une de ces fameuses soirées qu'organisait antan le village autour des envolées narratives du baron trop fier de captiver l'attention. L'affaire n'est pas dans le sac car le baron a promis à son épouse, il y a déjà trois ans,  d'abandonner ces soirées et de ne plus y revenir. Personnage non pas fourbe mais espiègle, le baron de Münchhausen est ici portraituré avec une élégance toute poétique. Jean-Luc Masbou, adaptant de manière idoine son style graphique à chaque conte, dresse un bel hommage à ce prince du verbe ô combien sympathique, à l’œil pétillant et malicieux.

Auteur : Jean-Luc Masbou

Au tout début du XXe siècle, Edith Garraud a, aux côtés de son mari, professeur de culture physique, reçu l'enseignement du jujutsi par un maître japonais installé à Londres. En ouvrant son propre dojo, son couple compte  faire de la formation à cet art martial son activité professionnelle et sa source de revenus mais il lui faut trouver de nouveaux élèves. Au même moment, les suffragettes anglaises font entendre leurs voix dans la rue, revendiquant légalité des droits des femmes vis-à-vis des hommes et notamment le droit de vote. La société anglaise patriarcale réprime avec violence les manifestations. Les militantes de la Women's Social and Political Union décident de s'organiser pour contrecarrer les attaques de la police : via les média (journaux et cinéma) l'image de la répression qu'elles subissent va retourner l'opinion publique contre le gouvernement et Edith Garraud va les former à l'autodéfense par la pratique du jujitsu. Cette période plutôt méconnue de la conquête du droit des femmes par les suffragettes anglaises est abordé par le biais du sport comme un pas de côté qui glisserait subtilement le lecteur vers LE sujet essentiel. Le récit est malicieusement mené, jouant avec un humour fait de bonhommie et d'ironie mêlées. Cela fait une belle réussite pour le démarrage de la nouvelle collection Coup de Tête chez Delcourt.

Auteurs : Clément Xavier et Lisa Lugrin