• LES NAGEURS DE LA NUITLe narrateur évoque le temps où il ne vivait pas encore à Manhattan, le temps où il vivait, enfant puis jeune étudiant, en Pologne dans le contexte du socialisme d'Etat. Il raconte le quotidien, son affectueux attachement à sa Grand-Mère, la solidarité entre gens de peu, ses études très encadrées politiquement, ses premiers émois et son amour pour un jeune homme rencontré dans le camp d'éducation par le travail où ils accomplissent tous deux leur service obligatoire sans lequel aucun cursus universitaire ne saurait être validé. Tout le roman est traversé par cet amour. L’auteur a une écriture sans fioriture, sans afféteries, précise, d’une acuité dans l’observation et dans la transcription de l’environnement et des sentiments à nulle autre pareille. Le roman amène son sujet avec naturel – le parcours de vie d’un jeune adulte « déviant », homosexuel, dans une société polonaise sous le carcan communiste des années 80 ! – et ne manque pas de jouer de l’ascenseur émotionnel avec son lecteur. C’est un très beau texte, éclairant sur la Pologne soviétique et sa population sans illusion, un texte vibrant, d’une émotion à fleur de peau !

    Auteur : Tomasz Jedrowski


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  • HADES ARGENTINEUn homme installé à New York sous un nouveau nom après avoir fui la dictature argentine de la fin des années 70 et du début des années 80 retourne dans son pays natal, appelé qu'il est au chevet d'une femme qu'il connaît pour être la mère de celle qu'il aimait et qu'il aime sans doute encore. Il s'y rend avec l'espoir de retrouver cette femme pour laquelle il s'est damné. Ce retour au pays le conduit à rencontrer les fantômes du passé, ces personnes qui sont aujourd'hui décédées et qui l’interpellent sur le rôle ambigu qu'il a joué par amour pour cette femme. Par le prisme de son histoire personnelle et de cette recherche d'un amour perdu mais encore ardemment désiré, le lecteur arpente une époque, fréquente des individus et des lieux qui ont à voir avec la répression et la torture. Une écriture d'une grande maîtrise est à la manœuvre, le lecteur a le sentiment de descendre aux enfers à la recherche de l'être aimé, de lire une version moderne du mythe d'Eurydice et d'Orphée. Le roman fait immanquablement penser à La Divine Comédie de Dante et à Mon Grain de Sable de Luciano Bolis.

    Auteur : Daniel Loedel


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  • L'APPEL DU CACATOES NOIRMarié et père de deux petites filles, John Danalis, Australien, décide à quarante ans de reprendre le chemin de l'université dans l'optique de devenir enseignant. Il s'inscrit notamment au cours de littérature indigène afin d'approcher un tant soit peu la culture aborigène, un peu coupable de ne pas s'y être intéressé plus tôt et d'être resté, comme beaucoup  - pour ne pas dire tous ! -, dans le confort de sa vision blanche et coloniale de l'histoire de son pays. Au détour d'un cours durant lequel son prof témoigne des conditions dégradantes dans lesquelles étaient mis les Aborigènes dans sa ville natale, John lâche tout à trac avoir grandi avec un crâne aborigène dans son salon. Cette révélation au delà des réactions d'incrédulité, d'horreur et de dégoût qu'elle suscite dans l'auditoire est le moment charnière après lequel rien ne sera plus comme avant. Elle participe d'une prise de conscience personnelle de l'aspect dégradant du trophée macabre qu'il a côtoyé durant toute son enfance sans s'en être ému jusque-là, de l'importance et de la dignité de restituer à la communauté aborigène les restes du défunt. Cette mission qu'il semble s'être donné mais qui plutôt lui échoie et qu'il endosse permet à John d'explorer cette histoire occultée de la conquête par les colons blancs de l'Australie, des massacres perpétrées à l'encontre des populations autochtones et du suprémacisme blanc à l'égard des noirs. Avec une naïveté matinée d'autodérision, John raconte cette aventure humaine pleine de rencontres et de péripéties qui a bouleversé sa vie. Son style qu'on pourrait apparenté à celui de son compatriote, feu Kenneth Cook, donne à son livre le juste ton, transcende le tragique et la gravité pour communiquer une bonhomie et un bonheur véritables.

    Auteur : John Danalis


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  • NOTES A USAGE PERSONNELEmilie Pine relate dans ses "notes à usage personnel", sans effet de style et sans tabou, les choses intimes de la vie : la gestion compliquée - tant sur le plan pratique que sur le plan émotionnel - de la prise en charge hospitalière sur ses vieux jours d'un père, alcoolique invétéré; la course effrénée contre le temps, physiquement éreintante et psychologiquement épuisante voire délétère, pour tenter d'assouvir ce désir de maternité qui s'impose à soi comme une évidence; son infertilité et sa dure acceptation; le poids du silence ou des mots entre des parents très tôt séparés; son enfance et son adolescence rebelles de jeune fille perdue multipliant les fréquentations douteuses, squats et consommation de drogues diverses. L'auteur a aucun moment ne s’apitoie sur elle-même mais saisit combien toutes les expériences qu'elle a traversées ont participé à constituer l'être qu'elle est devenue, avec ses doutes, ses appréhensions, ses forces et ses vertus, elle comprend également combien les coucher sur le papier l'aide à forger la conscience de soi. Ce dévoilement, loin de l'exhibition, donne au lecteur les clés d'une réflexion et d'une révélation tant sur sa relation au monde qu'à soi-même.

    Auteur : Emilie Pine


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  • L'ENFANT PERDUE - L'AMIE PRODIGIEUSE IVElena Ferrante signe la fin de sa saga napolitaine. Ce récit qui se présente comme autobiographie s'achève sur les années de maturité et de vieillesse. La narratrice est prête à tout abandonner - mari et enfants et le confort d'une vie bien rangée ! - pour vivre pleinement auprès d'un amant admiré depuis l'adolescence et qui a été antan l'amour de sa meilleure amie Lila. Cette dernière aura beau la prévenir de l'inconséquence de cet homme, elle suit son instinct, son bon vouloir et s'engouffre tête baissée, avec une naïveté certaine, dans une relation où la séduction et le désir laisseront un jour place à la colère et la désillusion. Elena reviendra s'installer dans le quartier de son enfance, auréolée de sa notoriété de femme écrivain, vivant dans le même immeuble que Lila, renouant avec celle qu'elle voit comme son aiguillon, animée qu'elle est d'une flamme intérieure à nulle autre pareille. Cette force si singulière qui semble l'habiter va cependant être altérée par le drame de la disparition.

    Elena Ferrante, avec une écriture toujours aussi admirablement fluide, réussit à modeler cette matière brute qu'est le quotidien pour en faire une histoire pleine de brillant et d'éclat où les hommes - comme dans la vraie vie ! - se révèlent couards et les femmes courageuses.

    Auteur : Elena Ferrante


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