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Par Avers le 6 Janvier 2021 à 14:13
Léni vit sur une île qui - construction d'un pont oblige ! - s'apprête à perdre son insularité. Séparé de la mère de sa fille, il récupère Agathe, trois ans, sur le continent un week-end sur deux et passe avec elle des moments précieux. Il travaille dans un petit chantier naval d'un ami artisan, il y répare de rares coques de bateau, l'entreprise périclite et l'espoir est mince de voir un jour un regain d'activité. Il fréquente un bar où se côtoient les gens de l'île et où se jouent entre potes des parties de coinche. Le rythme de la vie sur l'île est des plus tranquilles, parfois morne mais non sans charme, un charme qui risque de se perdre avec la déferlante des voitures et touristes à laquelle va nécessaire conduire l'ouverture du pont. Bien qu'un référendum ait validé sa construction, quelques insulaires dans le giron de Liné veulent bloquer l'avancée des travaux. Liné suit le mouvement sans vraiment trop y croire. Il a une nonchalance exaspérante, s'est-il vraiment où il veut aller, souhaite-t-il même s'engager avec qui que ce soit ? Avec une écriture délicate, Martin Dumont donne au lecteur l'occasion de vivre une vie d'insulaire, de sentir les vagues et les embruns, de se laisser porter comme le protagoniste principal par les événements et les éléments. Il décrit la vie ballotée par ses bonheurs et ses tracas.
Auteur : Martin Dumont
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Par Avers le 22 Décembre 2020 à 14:36
Beate et Serge Klarsfeld forment un couple à nulle autre pareil. Beate est jeune fille au pair à Paris quand elle rencontre Serge, étudiant à Science Po. Le père de Serge est mort à Auschwitz-Birkenau et Beate appartient à une famille allemande peu consciente de sa responsabilité sous le IIIème Reich. Leur conscience politique à tous deux se construit avec, pour figures tutélaires, Hans et Sophie Scholl, deux résistants allemands au nazisme. Ils se sentent investis d'un devoir de mémoire à l'égard de la Shoah et d'une mission de transmission pour les générations d'après-guerre. Ils décident d'entrer dans l'action militante et de manifester notamment contre le fonctionnement des institutions politiques autorisant les anciens fonctionnaires du parti national-socialiste d'exercer des postes importants dans l'Allemagne Fédérale, à l'instar de Kiesinger, membre actif du parti nazi devenu chancelier, qui en plein congrès du parti libéral et conservateur allemand est giflé, traité de nazi et appelé à démissionner par Beate Klarsfeld. Leur vie est vouée à cette chasse aux nazis qui les rendra célèbres car redonnant de la dignité aux démocraties prêtes à se compromettre dans l'oubli de l'ignominie. Ils débusqueront entre autres Klaus Barbie jusqu'en Bolivie afin qu'il soit jugé en France pour répondre des crimes perpétrés alors qu'il était SS chef de la Gestapo à Lyon. Sans leur combat faisant parfois fi des règles diplomatiques internationales, certains procès n'auraient indubitablement jamais pu se tenir et qu'ils aient eu lieu participent à la fois au devoir de mémoire et à la restitution d'un honneur qui sans eux aurait été perdu. L'album, grâce à une construction scénaristique habile, mélangeant les temps, l'action et le souvenir, rend un hommage appuyé et bienvenu à deux personnages exemplaires et essentiels de notre histoire démocratique et républicaine.
Auteurs : Pascal Bresson et Sylvain Dorange
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Par Avers le 1 Juin 2020 à 15:48
Embauchée pour une contrat à durée déterminée dans une grande entreprise au Japon, Amélie, la narratrice, maîtrisant la langue nippone, tente de se montrer à la hauteur des tâches qui lui sont dévolues. S'ennuyant quelque peu, elle outrepasse la cadre dans lequel elle a été assignée et cherche à occuper son temps qu'elle sent si mal employé. Mal lui en prend car la culture japonaise voue un culte aux règles et ne tolère en rien les écarts. Amélie est ainsi morigénée pour ses prises d'initiatives que d'aucuns jugeraient banales et même bienvenues mais qui dans ce monde passent pour des atteintes à l'autorité et pour de l'outrecuidance. C'est pour Amélie le début de la descente aux enfers où l'absurde côtoie le tragi-comique. Avec un sens raffiné de la langue française, Amélie Nothomb jette, malgré les rires, le lecteur dans l'effroi, dans la stupeur et les tremblements. Un roman n'aura jamais si bien trouvé son titre !
Auteur : Amélie Nothomb
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Par Avers le 22 Octobre 2019 à 21:16
Un veuf a construit une relation de confiance réciproque avec son fils, adolescent brillant. Ce père aimant va perdre pied quand le sort va le faire se confronter à l'impensable, il ne saura plus s'il ne faut pas préférer le mensonge à la vérité et, à cause de la tragédie, il se retrouvera à appréhender le paradoxe de Schrödinger, selon lequel le sujet d'une expérience peut être dans deux états opposés jusqu'au moment où l'observateur - par le fait d'observer le résultat ! - en fige un. Ce récit d'une sensibilité à fleur de peau émeut, il est doté d'une écriture simple et gracieuse, d'un style invisible et pourtant efficient, faisant glisser le lecteur avec une empathie certaine dans les atermoiements et le désespoir d'un père.
Auteur : Martin Dumont
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Par Avers le 25 Novembre 2018 à 22:48
Louise est la nounou idéale, elle a un tel degré d'implication qu'en plus de garder les enfants elle s'occupe spontanément de toutes les tâches ménagères afin de rendre le retour des parents auprès de leurs progénitures agréable et confortable. Elle les déculpabilise d'accorder leur priorité à leur carrière, elle se rend indispensable, prévenante mais il y a une sorte d'obsession inquiétante dans cet abyme de dévouement. Trop satisfaits des services qu'elle leur rend, les parents ne sauraient lui reprocher son perfectionnisme qui prend un caractère quasi maniaco-dépressif, ils ne sauraient déceler les signes avant-coureurs du drame à venir. En acceptant de dévoyer le contrat de travail qui les lie à leur nourrice, ils marquent leur pouvoir de classe, l’aveuglement dont il font preuve est le tribu semi-volontaire de leur accaparement et de leur supériorité sociale. Leïla Slimani jette un regard clinique sur les protagonistes de cette histoire sordide, elle invite le lecteur dans l’intimité de ces vies, comme un entomologiste au-dessus de collections de coléoptères, il y a comme une fascination morbide à plonger dans la mécanique factuelle et psychologique de la tragédie. Le roman possède une force stylistique qui emporte le lecteur dans le gouffre.
Auteur : Leïla Slimani
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