L'affaire Dreyfus parle à tous, le lecteur en connaît au moins les grandes lignes mais il n'est pas évident que l'homme, à la place duquel le Capitaine Alfred Dreyfus a été dégradé et conduit au bagne et même torturé, soit dans le souvenir de chacun. "L'homme de l'année - 1894" se propose de combler cet oubli, de mettre en lumière le parcours de cet homme vil resté dans l'ombre. L'album y parvient parfaitement, resituant le contexte historique et l'état d'esprit de la population française à l'époque. Le scandale de Panama qui aboutira à la condamnation de dizaines de parlementaires pour corruption a servi la presse antisémite à désigner les juifs comme boucs émissaires et ennemis de l'intérieur. En 1894, l'Armée française est convaincue qu'un individu ayant accès à des informations classées secrètes les transmet à l'ambassade d'Allemagne, une enquête est menée dans l'urgence, elle est bâclée car elle se focalise d'emblée sur un quarteron d'officiers dont un seul se trouve être juif, des pièces sont fabriquées pour en faire le coupable idéal, la machination est implacable laissant le véritable fautif en toute liberté et impunité jusqu'à la fin de ses vieux jours. L'album prend à rebours cette histoire ignominieuse en traitant non de la destinée de l'innocent mais de celui qui est à l'origine de tout sans jamais avoir été inquiété. La narration use d'un dessin des plus réalistes mais emprunte parfois des chemins de traverses ingénieux.

Auteurs : Fred Duval et Florent Calvez

Le titre est une antinomie et à lui seul un affront à l'entendement et à l'acceptable, comme si d'un mal ignoble pouvait sortir un bien. Martine Maguire et sa fille Bethie, 12 ans, traversent à la nuit tombée, au sortir d'une fête, celle du 4 juillet, le Parc de Rocky Point pour s'en rendre chez elles. Elles regretteront toute leur vie d'avoir pris ce raccourci plutôt que d'emprunter un autre chemin : une bande d'individus éméchés, des gens connus d'elles, les prend à partie, les insulte, les malmène, les agresse et les traîne aux enfers. Bethie parvient in extremis à échapper à ses assaillants qui se tournent tous vers la mère laissée ensuite mourante, exsangue, méconnaissable à cause des coups portés et du viol collectif perpétré... Bethie parvient à alerter la police, les agresseurs sont désignés, interpellés, la mécanique judiciaire démarre, ses rouages écrasent une nouvelle fois les victimes, Martine Maguire ne supportant ni de subir les regards de haine de ses violeurs, ni d'être conspuée par une foule constituée par la famille, les proches et les soutiens des agresseurs, ni de voir la vérité tordue par un avocat de la défense habile et torve. De ce récit âpre, écrit avec un style quasi clinique, ne se dégage aucune morale. Le lecteur prend de plein fouet la violence et la justice des hommes et mâche au fond de sa conscience des idées de vengeance.

Auteur : Joyce Carol Oates

Par le biais de la présentation d'une partie de sa production éditoriale de ses dix premières années, La Boîte à Bulles donne à lire les tribulations d'une petite maison d'édition : les affres financiers, le contrôle fiscal subi, les déménagements, les salons et festivals, le changement d'équipe commerciale, les contacts avec la presse,... Vincent Henry, fondateur et directeur de La Boîte à Bulles, se montre en homme passionné par le travail des auteurs publiés mais assez peu à son affaire avec l'administratif. On sent tout l'enthousiasme qui l'anime, parfois la fatigue et l'angoisse qui l'étreignent. Il ne fait manifestement pas ce métier par hasard. L'éditeur de Vanyda, de José Roosevelt, de Simon Hureau, de Sylvain-Moizie et de beaucoup d'autres n'a pas tort de nous faire visiter les coulisses de sa petite entreprise. On en sort plein de reconnaissance et d'attachement pour le travail accompli... et à venir.

Auteurs : Collectif

François Villon verse encore dans plus de noirceur. Il veut être membre des Coquillards, cette confrérie de truands et meurtriers dont le nom seul fait frissonner le manant, le noble et le bourgeois. Trois épreuves lui sont données à accomplir avant que d'être "adoubé". Il devient dès lors plus qu'un coquin, un vilain capable des pires forfaits... Il traverse bien du pays, il a le coeur agité, le tourment l'habite, il sonde son âme à coups de vers et de rimes qu'il essaime sur tous les chemins. Luigi Critone est un dessinateur de grand talent au style à la fois précis et épuré, il passe d'un trait fin à une aquarelle qui laisse le lecteur tout ébaubi d'admiration.

Auteur : Luigi Critone